Nathacha Appanah obtient le Prix Femina
Suivre des études en France peut mener très loin… Aussi loin que Nathacha Appanah, journaliste et romancière mauricienne, qui vient d’obtenir le Prix Femina 2025, l’une des plus importantes récompenses littéraires, pour son roman La Nuit au cœur. Née à l’île Maurice, Nathacha Appanah est venue en France en 1998 pour une formation dans le domaine du journalisme et c’est en France qu’elle a poursuivi sa carrière. Elle est l’autrice d’une douzaine de romans.
Créé en 1904, le Prix Femina est attribué chaque année par un jury exclusivement féminin, début novembre, pour récompenser une œuvre de langue française.
De l’Inde des ancêtres à la France
En décrochant le Prix Femina, Nathacha Appanah est la première écrivaine d’origine mauricienne a être récompensée par ce prix. Née en 1973 à Mahébourg, village côtier du sud-est de l’île Maurice, Nathacha Apannah est issue d’une famille de ce qu’on appelle les « engagés indiens ». Arrivés dans les exploitations agricoles de l’île à la fin du XIXe siècle, les « engagés indiens », bien que libres sur un plan strictement juridique, étaient en réalité soumis à des conditions de vie proches de l’esclavage.
Dès l’âge de 17 ans, Nathacha Appanah, fille d’un ingénieur et d’une institutrice, s’essaie à la littérature en remportant un concours dans un journal local. Elle poursuit d’ailleurs une première carrière journalistique sur l’île, avant de rejoindre la France en 1998 pour y suivre des études de journalisme à Grenoble puis à Lyon. C’est en France qu’elle s’installe alors pour travailler dans la presse écrite et en radio en free-lance.
En 2003, elle publie son premier roman, Les Rochers de Poudre d’Or, qui raconte l’épopée des travailleurs indiens engagés. Suivront d’autres œuvres, telles que Tropique de la violence, un roman issu de l'expérience d’un séjour à Mayotte, publié en 2016, qui remporte le tout premier prix Femina des lycéens. En 2023, elle publie aussi un récit plus personnel, La Mémoire délavée, où elle évoque à la fois ses souvenirs d'enfance et la mémoire de ses ascendants, depuis ses aïeux jusqu’à sa propre histoire.
Une œuvre puissante et féministe
Autant d’ouvrages littéraires, 13 romans et récits au total, qui font dire à ses biographes que Nathacha Appanah a « créé une œuvre puissante et féministe, ancrée dans la réalité cosmopolite de l’Océan Indien et marquée par les contradictions économiques et sociales de ses sociétés créolisées ».
Pour Le Monde, quotidien de référence, avec Nathacha Appanah, le Prix Femina couronne ainsi « une œuvre habitée par la question des origines, de la violence et de l’enfermement ».
La Nuit au cœur, paru aux éditions Gallimard, est en effet une enquête bouleversante sur les violences conjugales. Ce roman « entrelace trois histoires de femmes victimes de la violence de leur compagnon ». « Sur le fil, entre force et humilité », écrit son éditeur, Nathacha Appanah « scrute l’énigme insupportable du féminicide conjugal, quand la nuit noire prend la place de l’amour ». Selon Radio France, c’est à partir de sa propre expérience que Nathacha Appanah « plonge le lecteur, pages après pages, dans l’emprise conjugale ». Le récit se transforme en une enquête minutieuse, car il y a « l’obsession de connaître précisément l'enchaînement des évènements, recueillir tous les détails, à la manière d’une fait-diversière ». Et la radio France Culture de souligner que « Nathacha Appanah a, rappelons-le, exercé la fonction de journaliste ».
Journalisme, écriture et enseignement
La carrière de Nathacha Appanah ne se limite pourtant pas au journalisme et à l’écriture, ni même à la traduction (elle a en effet traduit plusieurs ouvrages de langue anglaise). En 2022-2023, l’écrivaine devient ainsi la huitième titulaire de la Chaire d'écrivain en résidence de Sciences Po, où elle succède notamment à Kamel Daoud, Marie Darrieussecq, Patrick Chamoiseau ou Maylis de Kerangal.
« Initiative inédite dans le paysage universitaire français », selon Sciences Po, la Chaire d’écrivain en résidence a été créée en 2019 pour renforcer « l’expression créative des étudiantes et étudiants et leur permettre de développer une réflexion critique et originale ». Les deux ateliers d’écriture animés par Nathacha Appanah ont ainsi porté sur deux thèmes essentiels dans son parcours : « La forme d’une histoire » et « Écrire le détail et la périphérie, le particulier et l’universel ». Une autre façon de s’interroger sur l’importance de l’imagination, sur le rapport entre réel et fiction…

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